À la nôtre.

« Les plus courtes sont les meilleures » est un adage qui ne s’applique pas aux années. Le temps est d’une précision qui vire à l’obsession. Il faut alors trouver d’autres critères que la durée pour déterminer si l’année qui vient de s’écouler a été bonne. Une « bonne année », justement, c’est ce que l’on finit par se souhaiter, le soir des traditionnelles célébrations durant lesquelles on rêve de tout laisser derrière. Du vin et des voeux, pour les plus téméraires. Bien évidemment, il y a toujours celui, plus malin que son monde, qui veut aller au-delà des voeux tel un génie libéré de sa lampe. Je dois bien avouer qu’au casting du plus malin auto-proclamé, je décroche souvent le rôle.

Ainsi, cette année, je rêve que l’on ne se souhaite rien. Plutôt que de laisser les gens qui nous entourent sous cette montagne de voeux dont ils ne sauront que faire, j’imagine qu’à la place on s’intéresse pour de bon à ce qu’ils souhaitent. Une fois que l’on sait, on aide. On contribue, on participe. On le fait quand on peut, quand on veut même d’ailleurs, et on pourrait même se dire que ce serait réciproque. Pour les gens qu’on aime, pour les amis, la famille, pour un voisin, pour un inconnu dont on sent qu’il a besoin, pour le collègue du bureau d’à côté, pour des personnes qui finalement nous ressemblent tellement. La solidarité tend à devenir de la poésie d’un autre temps, un fantasme inutile, une fable dont la moralité nous crève les yeux. Par chance, on ne voit bien qu’avec le coeur.

J’en conviens, ces quelques lignes ressemblent fortement au discours d’une Miss France un soir de sacre. C’est là toute la complexité de refaire de l’essentiel une priorité. Alors prenez le temps. Pour vous, pour les autres. Ralentir ne signifie pas s’arrêter, et quand bien même vous vous arrêteriez quelques instants, quel serait le pire scénario qui en découlerait ? Prenons le temps. Prenons-le à son propre jeu en en tirant le meilleur. A ce rythme, nous verrons beaucoup mieux ce qui se passe autour de nous, ceux qui passent autour de nous, ceux qui sont là, ceux qui restent.

Prenez soin de vous.

Noces d’émeraude

Je vis une relation libre avec la nostalgie, cela fait quarante ans maintenant. Les noces d’émeraude n’y auront rien changé, je sais qu’elle est là pour moi mais je n’accepte que rarement de la voir, le dimanche soir généralement. Nous ne faisons pas exception à ces vieux couples pour qui le temps a fait l’habitude, puis l’habitude a fait le couple. Malgré cela je n’éprouve rien pour elle. Je respecte ce qu’elle est et je crois qu’elle en fait tout autant à mon égard. Nous nous acceptons, nous vivons côte à côte sans jamais nous toucher. Je ne le veux pas. Je ne veux pas que l’on se touche. Les soirs d’automne sont les plus fourbes, c’est la saison qui veut cela. La nature ne se pare jamais de plus belles couleurs que quand elle meurt, les feuilles rouge feu feignent d’être éternelles. Les regrets aussi, murmurait leur muse. Les miens sont trop éphémères pour faire des souvenirs. J’ai cette vilaine habitude qui me mène au bout du chemin, tout au bout. Lors d’une balade en forêt, j’insiste pour terminer la boucle plutôt que de faire demi-tour. J’en fais de même au quotidien, lorsque la balade traverse les jours. Pour cela, autour de moi, on loue du courage et de la force et j’ai toujours beaucoup de mal à réaliser ce que l’on veut me dire avec ce qui ressemble à des félicitations. Je ne réussis pas là où d’autres échouent, je rate parfois quand je pourrais réussir. Et puis, je réussis. J’ai la modestie qui sonne faux quand je tiens tête à la nostalgie. Nos disputes sont aussi brèves que nos étreintes, je n’embrasse pas le premier soir, les suivants non plus parfois. Qu’elle claque la porte quand elle part, je n’ai pas besoin d’elle pour me voir en face, j’ai un miroir au fond des yeux.

L’aventure est au rendez-vous de chaque instant lorsqu’on a décidé que tel pas, nous mène à tel endroit. Et ainsi de suite. Après avoir tiré le rideau sur ma vie professionnelle la plus riche jusqu’à maintenant, j’ai avancé d’un pas nouveau. Entre temps, j’ai eu quarante ans, et presque toutes mes dents. Il parait que c’est un âge de crise. Je parie l’inverse.

Repartir pour un tour

Salut Pôle,

Il ne t’aura pas échappé que j’ai débuté une nouvelle carrière.

« Nouvelle », pas tant que cela finalement, et puis « carrière » on verra à la longue. Tiens-toi bien, accroche-toi à ta chaise si tu es au bureau ou au canapé si tu es en week-end, je suis de retour dans les métiers de la communication. Oui. Ce même métier que j’avais mis de côté pour devenir pâtissier, cette compétence que je n’ai jamais vraiment abandonné quelle que soit la casquette que je décidai de porter. Pôle, je me demande si tu ris ou si tu restes muet à la lecture de cette nouvelle. Les deux ne sont pas incompatibles cela dit. Tu pourrais penser « tout ça pour ça », je suis beau joueur, j’accepterai. Toi et moi, c’est l’amour vache.

Je suis devenu collaborateur de groupe politique et j’ai en charge le vaste sujet de la communication. Politique oui, carrément. Je te raconterai tout un de ces jours, je suis certain que tu trouveras cela passionnant, c’est mon cas. Je n’ai pas pour autant laisser de côté ma veste de pâtissier et mon amour du bon goût, je créé des recettes pour d’autres, je transmets, je forme un peu et puis je goûte beaucoup. Je vis pleinement chaque journée qui m’est proposée, entre le travail, la famille et le sport, avec l’objectif de retrouver un équilibre peu à peu perdu durant ces deux dernières années d’épreuves. Tu me connais, Pôle. Même à terre, je roule !

On n’est jamais à l’abri d’une surprise, bonne ou mauvaise. J’ai envie de te dire, ou juste de penser, que je n’aurais plus à t’importuner durant les trois prochaines années. Voilà une déclaration en forme de mantra que tu as déjà du entendre des centaines de fois, non ?

Salut Pôle. Prends soin de toi.